Admissibilité des témoignages anonymisés en droit du travail : la Cour de cassation clarifie les règles (19 mars 2025)

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L’admissibilité des témoignages anonymisés : éclairage de la Cour de cassation (19 mars 2025)

Les faits à l’origine du litige

Un salarié rectifieur est licencié pour faute grave, son employeur lui reprochant un comportement agressif et intimidant envers ses collègues (menaces, propos violents, climat de peur).

Pour se défendre, l’employeur produit des témoignages anonymisés, recueillis par huissier. La cour d’appel les écarte, estimant qu’ils n’ont aucune valeur probante et conclut à un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

L’employeur forme alors un pourvoi en cassation.

La position de la Cour de cassation

Dans son arrêt du 19 mars 2025 (n°23-19.154), la Chambre sociale casse l’arrêt d’appel.

Elle se fonde sur :

  • Article 6 § 1 CEDH (procès équitable),
  • Articles L.4121-1 et L.4121-2 du Code du travail (obligation de sécurité de l’employeur).

Elle réaffirme que :

  • Le juge ne peut pas fonder uniquement ou de manière déterminante sa décision sur des témoignages anonymes.
  • MAIS : il peut prendre en compte des témoignages anonymisés a posteriori, si :
    • l’identité est connue de l’employeur et de l’huissier ;
    • le salarié mis en cause a pu en avoir connaissance ;
    • d’autres éléments corroborent ces déclarations.

Témoignages anonymes vs anonymisés – la nuance clé

  • Témoignage anonyme : identité inconnue de toutes les parties → non recevable comme preuve principale.

  • Témoignage anonymisé : identité connue mais masquée pour protéger le salarié → admissible, à condition d’être corroboré.

L’équilibre entre droit à la preuve et égalité des armes

La Cour invite les juges à apprécier :

  • Le respect du caractère équitable de la procédure.

  • La proportionnalité : atteinte justifiée si la production du témoignage est indispensable à l’exercice du droit à la preuve.

Ici, la Cour estime que les témoignages anonymisés étaient indispensables pour l’employeur tenu de protéger la santé et la sécurité des salariés.

Conséquences pratiques

Pour les employeurs

  • Recourir à des témoignages anonymisés encadrés, notamment en cas de harcèlement, menaces ou climat de peur.

  • Faire constater les témoignages par huissier pour renforcer leur valeur.

  • Toujours chercher à corroborer les témoignages par d’autres preuves (rapports, mails, sanctions antérieures).

Conclusion

L’arrêt du 19 mars 2025 marque une étape importante : il confirme que les témoignages anonymisés sont recevables comme preuves en droit du travail, dès lors qu’ils sont corroborés et proportionnés.

Une décision clé pour protéger à la fois la sécurité des salariés et le droit à un procès équitable.