Prescription de l’action en contestation du licenciement : à partir de quand court le délai ?
Introduction
Lorsqu’un salarié est licencié, il dispose d’un délai légal pour contester la rupture de son contrat de travail. Mais une question essentielle se pose : à quel moment ce délai commence-t-il à courir ? Est-ce à l’envoi de la lettre de licenciement, à sa réception ou à un autre moment ?
La Cour de cassation, dans un arrêt du 21 mai 2025 (n°24-10.009), est venue réaffirmer une règle déjà bien établie : le délai de prescription de 12 mois court à compter de la réception effective de la lettre de licenciement par le salarié.
Cet article fait le point sur la décision, son contexte juridique et ses conséquences pratiques.
Le rappel de la Cour de cassation – arrêt du 21 mai 2025
La Chambre sociale précise que le point de départ du délai de 12 mois prévu par l’article L.1471-1 du Code du travail correspond à la réception de la lettre recommandée notifiant la rupture du contrat, et non à son envoi.
Cette position protège le salarié, qui ne peut pas se voir opposer un délai de prescription tant qu’il n’a pas effectivement connaissance de la décision de son employeur.
Les fondements juridiques de ce principe
L’article L.1471-1 du Code du travail
Il prévoit que toute action portant sur la rupture du contrat de travail se prescrit par douze mois à compter de la notification de la rupture.
Cependant, le texte ne précise pas clairement si la notification équivaut à l’envoi ou à la réception.
Les articles 2228 et 2229 du Code civil
Ils fixent le cadre général :
- la prescription commence le lendemain de l’événement qui la déclenche ;
- le jour même n’est pas comptabilisé.
La jurisprudence antérieure consolidée
Cet arrêt de 2025 n’est pas isolé :
- Soc. 9 octobre 2012 (n°11-17.829) : confirmation que la réception est déterminante ;
- Soc. 6 novembre 2019 (n°18-22.874) : précision sur le calcul exact des délais.
La Cour s’inscrit donc dans une continuité, en renforçant la sécurité juridique des salariés et des praticiens du droit.
Exemple pratique : le calcul du délai
Dans l’affaire jugée, le salarié a reçu sa lettre de licenciement le 10 août 2019.
- Le délai a commencé le 11 août 2019 à 0h.
- Il s’est terminé le 10 août 2020 à minuit.
Un salarié qui aurait saisi les prud’hommes le 11 août 2020 aurait donc été forclos.
Les zones d’ombre : et si le salarié ne retire pas sa lettre ?
Une question épineuse subsiste : que se passe-t-il si le salarié ne va pas chercher sa lettre recommandée ?
- Certains juges considèrent que la présentation de la lettre à domicile peut suffire.
- D’autres estiment qu’il faut une prise de connaissance effective.
Actuellement, il existe un vide juridique. Une clarification jurisprudentielle ou législative serait bienvenue pour éviter l’insécurité juridique.
Conséquences pratiques pour les employeurs et salariés
Pour les employeurs
- S’assurer que la lettre est envoyée en recommandé avec AR.
- Conserver précieusement la preuve de réception.
- Anticiper un éventuel contentieux dans le délai d’un an.
Conclusion
L’arrêt du 21 mai 2025 réaffirme un principe essentiel : le délai de prescription pour contester un licenciement court uniquement à partir de la réception de la lettre par le salarié.
Cette précision protège les droits des travailleurs, mais laisse en suspens une question délicate : celle du salarié qui ne retire pas sa lettre.
Dans l’attente d’une clarification, les employeurs (et salariés) doivent redoubler de vigilance pour ne pas perdre leurs droits.