Licenciement d’une salariée enceinte

Actualités sociales

Dans un arrêt du 27 mai 2025, la Cour de cassation apporte une nouvelle illustration de la notion d’impossibilité de maintien du contrat de travail, en admettant qu’un risque psychosocial avéré (RPS) puisse justifier le licenciement d’une salariée enceinte, malgré la protection légale dont elle bénéficie.


Cette décision, rare et significative, met en lumière la primauté de l’obligation de sécurité pesant sur l’employeur, même lorsque celui-ci doit composer avec la protection maternité.
 

Décryptage d’un arrêt qui redéfinit l’équilibre entre protection de la salariée enceinte et prévention des RPS au sein de l’entreprise.

 

Le cadre juridique : la protection de la salariée enceinte

 

Selon l’article L. 1225-4 du Code du travail, une salariée enceinte bénéficie d’une protection contre le licenciement.
 

L’employeur ne peut rompre son contrat de travail que dans deux hypothèses strictement encadrées :

  • Faute grave de la salariée ;

  • Impossibilité de maintenir le contrat de travail pour un motif étranger à la grossesse.

 

Cette dernière exception, rarement admise par les juges, a été historiquement réservée à des cas extrêmes — tels que la cessation d’activité de l’entreprise. L’arrêt du 27 mai 2025 vient élargir ce cadre.

 

Les faits : un conflit entre sécurité et maintien dans l’emploi

 

Une salariée, plusieurs fois absente pour maternité, congé parental et arrêt maladie, réintègre son poste à la suite d’un avis favorable du médecin du travail.
 

Peu après, neuf membres de son équipe signalent une situation de tension.
 

Une enquête du CHSCT met alors en évidence des risques psychosociaux importants.
 

L’employeur, appuyé par l’inspection du travail, conclut à l’impossibilité d’un retour de la salariée dans son équipe.

 

Une affectation alternative lui est proposée, qu’elle refuse.
 

C’est dans ce contexte que l’employeur engage une procédure de licenciement, avant même d’apprendre la nouvelle grossesse de la salariée.

 

L’analyse de la Cour : la primauté de l’obligation de sécurité

 

Dans sa décision, la Cour de cassation valide le raisonnement de la Cour d’appel, en considérant que :

“L’employeur, tenu par son obligation de sécurité et de prévention des risques psychosociaux, ne pouvait maintenir la salariée à son poste sans compromettre la santé de ses collègues et la sienne.”

 

La Cour souligne également que la proposition de reclassement, conforme aux compétences et au niveau hiérarchique de la salariée, respectait les recommandations de l’inspection du travail.
 

Le refus de cette proposition a donc contribué à caractériser l’impossibilité de maintien du contrat.

 

Une tension entre deux obligations légales

Cet arrêt illustre parfaitement le conflit entre deux obligations majeures pesant sur l’employeur :

  • L’obligation de sécurité, inscrite aux articles L. 4121-1 et suivants du Code du travail ;

  • L’obligation de réintégrer la salariée à l’issue de la suspension de son contrat.

 

La Cour fait ici primer la prévention des risques psychosociaux sur la protection maternité, lorsque les RPS sont objectivement établis et avérés.

 

Les enseignements pour les employeurs et DRH

 

Cet arrêt apporte un éclairage concret pour les DRH, managers et conseils juridiques :

 

  1. Les RPS avérés peuvent constituer un motif légitime d’impossibilité de maintien du contrat, y compris en cas de grossesse.

     

  2. L’obligation de sécurité reste une priorité absolue, y compris face à une protection légale forte.

     

  3. Le refus d’un poste équivalent par la salariée peut conforter la décision de licenciement.

     

L’arrêt rappelle donc l’importance d’une démarche rigoureuse de prévention (enquête, traçabilité, dialogue social) avant toute mesure disciplinaire ou de rupture.

 

Conclusion

 

L’arrêt du 27 mai 2025 marque une évolution notable dans la jurisprudence sociale.
Il confirme que, face à des risques psychosociaux objectivement constatés, l’employeur peut invoquer une impossibilité de maintien du contrat, même en présence d’une salariée enceinte protégée.


Un équilibre subtil entre protection individuelle et sécurité collective, que les entreprises devront désormais manier avec prudence.